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àPM... travaux expos & intro DP pdf uvres blog-Lux in situ Tout autre" / R.Y. Roche |
Tout autre! Le Studio Estibal de Bruno Rosier sexpose sur les murs de Lux à Valence : tout un programme que cette appellation un tantinet désuète et sépia ! Mais ne nous y trompons pas. Pessoa, Michaux et Cindy Sherman ne sont pas loin, qui auraient trempé leur portrait dans un thé au goût délicieusement proustien. Et nous voilà embarqué dans une exposition bardée dombres et de mystères, un drôle dendroit où se dévoilent lenvers de nos images et de nos ressemblances intimes. Létrangèreté vive est son mot dordre, laltérité son enseigne plus que lumineuse et lidentité sa plaque ô combien tournante. A la base de lexposition de Valence, il y a le vaste projet " A propos du monde ", un réservoir dobsessions " autofictionnelles ", pour aller vite, où Rosier puise, sans jamais les épuiser, quantité didées et de concepts, et qui forment un réseau quil parcourt en tous sens, histoire de ne jamais tomber en panne de sens. Les mauvaises langues disent que Rosier ne serait ni vraiment artiste, ni tout à fait photographe ? Cest presque un avantage dans son cas : il a pour lui le doute et la distance nécessaires à ce genre dentreprise, où montrer, monter et démontrer sont des frères en besogne. " On nest jamais content de sa photo " aime à rappeler malicieusement Bruno Rosier. Il aurait pu tout aussi bien citer Kafka et son appareil photo semblable à " un méconnais-toi toi-même ". Et, de fait, la plupart des personnes des personnages ? qui se donnent en spectacle sur les murs de lexposition, du collégien turbulent à larrière-grand-mère méritante, ne semblent pas penser autrement leur appartenance au monde et au moi, partagés, clivés quils sont, et que nous sommes tous, entre la profusion dimages instantanées et leur, parfois/souvent, évidente nécessité, le sourire superfétatoire et linsatisfaction jubilatoire, la carotte narcissique et la bâton mélancolique A partir de la rimbaldienne et universelle formule " Je est un autre ", Rosier place et déplace ses pions sur léchiquier identitaire, convaincu quil est que plus une identité se défait, plus lindividu se forge. Pessoa, lexplorateur des fonds hétéronymiques, le soutient très symboliquement dans cette quête et enquête vertigineuses. La circulation entre les salles est une source dinventions permanentes, les supports dialoguent entre eux (de la carte postale au téléphone dernier cri, en passant par la vidéo), et les thèmes séclairent au gré des rencontres et des échanges entre les noms propres et les visages, comme ce film sans fin sur Bruno Rosier himself et ses homonymes. Ce que lon voit et ce que lon vit finissant par se confondre : comme si la scène du quotidien était devenue un écran permanent. La scène justement. Il en faut une digne de la représentation qui se joue, et nous lavons. Un théâtre qui brille de mille feux, avec machinerie sophistiquée et machines alambiquées : des tableaux qui occultent des murs, des murs qui recèlent des cadres, des dispositifs qui contrecarrent les classiques dispositions du noir sur fond blanc et vice versa. Photomaton dérangé qui vous montre un visage dérangeant parce quil nest pas le vôtre. Appareils photos qui ne marchent pas. Viseur sans vision et jen passe. Autant dinvitations à passer dune salle à lautre en ségarant et en ségayant, à la manière du Perec dEspèces despaces. En essayant de se cogner le moins possible à la réalité ! " Ya-pa-foto ", " On ne bouge plus ", " Tu veux ma photo ". Lidée du jeu est au coeur de tout le dispositif : jeu avec lappareil et lautre, dabord : regarde-le, ne me regarde pas ; jeu avec les photos ensuite : regarde-toi, regardons-nous, égarons-nous. Tel est pris qui croyait prendre Les contraintes, nécessaires, inventives, compliquées juste ce quil faut nous rappellent que, dans notre contemporain, il nest souvent pas dadvenue du Je sans jeu et que le " Je suis " sapparente à un " Je joue ". Il suffit pour sen convaincre de regarder ce qui se passe sur nos téléphones mobiles : où limage de soi est à la fois monnaie déchange et monnaie de singe. En jouant le groupe non pas contre mais avec lindividu, le collectif dans le singulier, Rosier parvient à un bréviaire dimages qui fait vraiment sens : la ressemblance est affaire de se rassembler. Et il y aurait une idée politique là derrière quon ne serait quà moitié étonné. On vous fiche ? On sen fiche et on vous le montre ! Rosier aime à dire quil aime la complexité. Cest sans doute une manière de répondre à toutes ces images aux alouettes, leur simplicité apparente, cette superficialité qui fait aussi leur dangereuse efficacité. Ceci explique son détour par larchive, les images qui se brouillent davoir trop existé et que lartiste remet en circulation sur de grandes cartes imaginaires, tels cette vitrine et ce mur intitulés " Le point sur linfini ". Le regardeur se penche sur un passé dimages qui ne lui appartient pas et regarde un présent fait de lignes qui lui échappe : comme si nos histoires avaient pris la poudre descampette. Le point sur linfini : cest un beau et noble programme, qui vise le grand tout et qui ne sarrête jamais. Et cest bien ce quil faut souhaiter à Bruno Rosier, de continuer à vivre (de) cette utopie chère à Nietzsche qui sappelle lart et ainsi de ne pas trop nous faire " mourir de la vérité ". Roger-Yves Roche |
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