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Basile Dupré / Lycée français de Rome / 05-07-99



Puisqu’on parle, ici, du “Roman invisible” et de choses plus ou moins brumeuses, j’en rajoute.

Santo Rinaldi avait déjà publié dans sa jeunesse et sous un autre nom (William Dobson), une nouvelle intitulée “Cloud’s Life”. Aucune biographie ne la mentionne, c’est vrai qu’elle pose des problèmes d’attribution. Introuvable en plus.
L’histoire se veut policière, elle est très confuse, part dans tous les sens, l’intrigue s’emmêle dans des méandres inextricables. De dénouement aucun. Bref: on n’y comprend rien.

C’est ce qui fait son charme.
Ou peut-être est-ce son drame, anticipant par là le destin de l’auteur, mais ce n’est pas l’objet de mon intervention. Non plus de vous raconter comment je me suis procuré le texte de la nouvelle. Je l’ai eu, et assez fier de ma trouvaille, l’ai fait étudier à mes élèves du troisième cycle avec pour seul objectif de m’en remettre une note de lecture de dix lignes maximum.

Je ne renouvellerai jamais l’expérience. Je croyais le texte naïf, c'était moi qui l’était.

Autant d’étudiants, autant de versions différentes: ils me rendirent des copies totalement indépendantes les unes des autres, sans qu’il soit possible d’en démêler le moindre élément commun. Comme s’ils n’avaient pas eu le même texte de référence.

Ils se prirent au jeu, moi aussi d’ailleurs: la fin de l’année passa dans le tumulte de débats sans fin à élaborer le résumé type ci-dessous.

“A Londres, en 1910, l’explosion d’un entrepôt dans la partie des docks réservée à l’armée tourne à l’affaire d’Etat: trop ambiguïtés et de contradictions dans l’enquête officielle. La presse suit la piste d’expérimentations secrètes et d’un ministère abusé. Elle remonte à un professeur de Cambridge, se perd dans des indices trop évidents où le narrateur se trouve lui-même impliqué. Le récit repart alors dans l’autre sens, il devient le résultat soi-disant voulu de la catastrophe initiale, s’amplifiant malgré lui dans un chaos d’anecdotes contradictoires où se mêlent fictions et réalités s’imbriquant dans la vie personnelle de l’auteur.”