Mathias Bolfando / Marseille / 05-07-99


Rappelle-toi, ce type s’était installé dans un coin de l’atelier de Galchey. Il est arrivé arrivé l’année où on passait le diplôme. Il bossait sur des petits formats en bois qu’il mettait des semaines à préparer. Il peignait à l’huile, en glacis, en broyant ses pigments, enfin toutes ces techniques qu’on a jamais apprises. Les profs étaient intéressés, au début: ils venaient lui donner des conseils, mais il les coinçait assez vite et ils repartaient vexés. Sauf Machin, l’historien de l’art, avec qui il passait des plombes à la bibliothèque à éplucher des vieux bouquins de technique.

Il communiquait pas beaucoup, c’est le moins que l’on puisse dire. Faut dire qu’on devait être plutôt du genre chieur, vu de l’extérieur. Et puis on étaient quand même assez ignares sur le genre de repros qu’il faisait, style renaissance. Plutôt chiadées, d’ailleurs.

Ce dont tu dois te rappeler, c’est qu’il arrivait certain jours si pâle qu’on croyait qu’il s’était maquillé. Pire que blafard, rien de ce qu’on avalait à l’époque ne faisait un effet pareil.

Enfin tout ça on s’en fout.
Juste pour te dire que je l’ai revu l’autre jour: on s’est reconnu, on a pris un verre au bistrot. De ça aussi, on s’en fout. Il m’a dit qu’il s’était marié, il a longtemps, avec Marie, tu sais cette fille rousse, plutôt pas mal, de la section déco qui bossait sur les anamorphoses.

Et pourquoi je te parle de ça?
Ah oui, parce qu’il m’a parlé de leur production commune, des anamorphoses de nuages mixée à ses compositions myhologiques, et ça m’a fait penser à tes trucs. Enfin les nuages. Alors je lui ai dit que je t’en parlerais, c'était un peu pour meubler la conversation. Ou pour la finir, parce qu’en fait il avait très envie de parler, alors qu’on s’est rien dit pendant des années. Il est devenu volubile, je lui est filé tes coordonnées. Tu m’en voudras pas, je savais pas comment m’en dépêtrer. Les siennes, c’est 04.79.48.17.17. Son nom je ne m’en souviens plus, c’est pour ça que je te parle de tout ça. Voilà, débrouille-toi, ou laisse tomber, comme tu veux.

A +,
M.B.