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propos de ce “Grand tour”, et de cette exposition, organisée dans une orangerie reconvertie en galerie. Y sont donc présentées, en septembre 2006, les photographies qui le composent : soit 25 tirages carrés, de 6x6 cm, en couleurs, dans une chromatique qui rappelle les débuts de ce genre de procédé. Le tout accroché dans des cadres démesurés, vu le format des images, sans doute pour mieux remplir le lieu conçu pour abriter au moins 60 orangers, sans compter les palmiers.

Les photographies représentent des paysages, ou plus exactement des bouts de paysages, censés venir du monde entier. On les connaît, on les a déjà vus : ils font partie de l’imagerie standardisée de l’industrie touristique. Des cartes postales, des illustrations de tour-opérateurs. Chacune porte un numéro qui renvoie à une liste précisant un lieu de prise de vue, un auteur (S.R.), une date (1956), et à un emplacement sur ce qui pourrait être un planisphère.

Sans aucun doute l’esthétique, imitant la production mercantile touristique, des clichés donc, est un parti pris : l’ensemble était initialement rassemblé dans une pochette cartonnée, typique de ce que l’on trouvait alors dans toutes les boutiques de souvenirs, entre les boules de neige et les spécialités locales. Une présentation que reprend d’ailleurs le catalogue de l’exposition. Un objet qui pourrait s’apparenter aux stéréotypes du pop-art, si ce n’était sa discrétion revendiquée (la taille, la diffusion, l’absence d’apparat ou d’ironie pompeuse (une si visible humilité est-elle suspecte ?)).

Les initiales sont évidemment celles de Santo Rinaldi. La date,1956, celle de l’année où il aurait accompli ce tour du monde pour prendre ces clichés. Celle où l’on sait, justement, qu’il n’a, pour une fois, pas voyagé.

Les destinations sont soigneusement choisies : des parcs essentiellement, des espaces naturels protégés, des lieux de villégiatures ou de promenades, touristiques encore. La marge aseptisée et tranquillisée du monde, même si tous ces lieux, connus dans la géographie d’Apm, n’ont pas toujours été décrits comme idylliques. SR voudrait là nous montrer son côté “touriste professionnel“, posture contradictoire assumée comme telle.

La forme des continents du planisphère situant les photos est inhabituelle. À vrai dire les contours ressemblent plus au dessin du Parc de la Tête d’or, à Lyon, où se trouve, justement, cette orangerie qui accueille l’exposition. On ferait donc le tour du monde dans les trois ou quatre hectares qui l’entoure.
Le grand tour concerne trois ou quatre allées d’un parc anodin d’une ville anodine.

Voilà, l’embrouille n’en est même pas une tant elle est limpide. Un jeu d’apparences spatiales et temporelles, facile et apparemment gratuit, d’autant ennuyeux que s’y rajoute l’iconographie touristique et sa vision du monde comme jardin d’acclimatation.

Et SR insiste encore, présentant la série de photos dans un packaging de l’industrie des voyages, petit, quelconque. On est évidemment dans ce qu’il revendiquait : un art portatif, de voyage, léger dans tous les sens du terme, minimal dans les moyens, presque anonyme. Un art “discret”, qui se perd dans le bazar du monde, en fuite.
Et, lucide : puisque le monde est un théâtre, restons dans les coulisses.

“ Déjà sur le port il ne sut que faire de ce trop d’exotisme, foutoir finalement convenu. Plus tard, sur le pont, il s’était retourné pour photographier les photographes photographiant la baie qui s’éloignait déjà, dans les couleurs exagérées du coucher de soleil. Dans le viseur il rencontra le regard de C. qui l’observait, ou plutôt regardait le large, derrière lui, à travers lui, très loin derrière lui. Il n’appuya pas sur le déclencheur, remisa lentement son appareil pour ne pas troubler les pensées de ce regard perdu, aussi vide que l’horizon.” (note 346, Le roman invisible, SR).
Alors, bien sûr, que photographier ?

La pochette de photos, reproduction d’une manufacture de diffusion à grande échelle, est resté en un exemplaire unique, sans doute pour ne pas trop contredire “le traité de non-prolifération des images ” que s’était imposé S.R., déjà, en 56. Remercions donc Apm d’avoir su organiser cette exposition commémorative dans une si parfaite discrétion.

Emmanuel Kraft.
2006