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Le commentaire de Nao Kimura Le grand-père en possédait une. Une très belle même. Lucio Rinaldi. Il aurait voulu être peintre et pour cela fréquentait les ateliers dartistes. En fait, il fréquentait surtout un modèle, Mlle Cinberg, quil finira par épouser. Il monte un studio, rue Lafayette, qui marche modestement. La mode est à lorientalisme, alors Rinaldi se lance dans des reportages exotiques. Sans aller très loin, plutôt autour de la Méditerranée. Au Liban, il suit les fouilles dAnsenat et reste un mois sur le site du Tell Ma Choûq où il devient en quelque sorte le photographe officiel, Cest là quapparaît la nuélithe. Ansenat est furieux : une pierre extrême-orientale, là, fiche en lair toute la belle cohérence du pur néo-assyrien. Alors cette pierre, ce caillou, non. Il est de trop. Beau, daccord, mais trop beau. Et cest comme ça que Lucio Rinaldi le récupère, parce quAnsenat, lui, ne veut pas en entendre parler. Vient la guerre. Rinaldi, blessé, revient rapidement du front, mais reste convalescent et le studio parisien périclite définitivement. Entre-temps, deux enfants sont nés, Dario et Elena. Toute la famille se replie sur la Normandie. À Deauville Rinaldi revend ce quil possède : ses photos, des objets de voyages. Et puis il rachète aussi. Bref devient petit à petit une sorte dantiquaire, ou de marchand dart. Dario, laîné, remonte le studio Rinaldi dans les années 20. Il commence modestement, mais ça marche. Les thèmes sont tout trouvés, lépoque est légère, aérienne même. Elena soccupe des relations, trouve les modèles, Dario va en photographier un plus particulièrement, Lili, Hélène Materye. Qui deviendra la mère de Santo. Voilà Santo. Une enfance heureuse. Provinciale, tranquille. Presque chic. En hiver, on va sur la côte, celle du sud. Tout va bien, ou alors on fait comme si. Et puis à nouveau, cest la guerre. La famille reste dans le sud. Les enfants sont envoyés aux Etats-Unis, chez un ami de la famille, RT. Un homme singulier, inclassable. Un esthète des voyages, mais la période nest pas au tourisme. Un passionné aussi de mécanique des fluides, de météorologie, tout ce qui touche aux nuages. Qui va beaucoup influencer Santo. La guerre finie, Santo revient en France, à Paris. Pour finir ses études. Des études dingénieur chimiste, qui traînent un peu. Pas mal même. Il fait aussi des photos, des photos de commande sous différents pseudonymes, mais là encore, il séparpille. Du grand-père décédé lui revient en héritage la nuélithe, et un peu dargent. Juste de quoi rejoindre RT à Lisbonne. RT et cette fille, Luselad je crois. Ensembles ils montent une expédition aux Açores, escaladent le Pico et trouvent la nuélithe blanche. Le voilà donc en possession dune autre nuélithe. Deux, ça fait une collection, ou le début dune. Dans les vingt ans qui suivent, il va en trouver vingt autres. Pour financer ses recherches, il entre en contact avec un laboratoire de Genève, le Laboratoire Kroll. Il y fait des essais pour un nouveau procédé couleur qui sera jamais commercialisé. Un échec. Mais cest là quil rencontre Ana Simolni. Cest elle, là. Qui se trouve être la petite fille de Silmoni, lautre archéologue, le concurrent dAnsenat, qui lui aussi, un siècle plus tôt, se débarrassait des nuélithes. Elle a des sources, des infos, des connexions, ensembles ils trouveront la nuélithe de lUpim, à Palerme. Ils en trouveront dautres, un peu partout. Dans des musées ou aux puces, au bout du monde ou au coin de la rue. Les découvertes sont à la fois logiques et surprenantes. Dans cette complexité, Rinaldi, soupçonne une sorte de fatalité. Il est pris dans un réseau sans logique temporelle, mais où tout simbrique, et où il peut lui-même intervenir. Dailleurs certaines pierres de la collection seraient des faux, mais ceci ne remet pas en cause lefficacité du rebondissement de pierre en pierre. Ainsi les nuélithes sinscrivent dans le monde, très bien même. Il y a leur beauté solitaire, leur fuite éternelle, leur contretemps ambigus. Mais les histoires quelles sous-tendent ne sont pas toutes légères, loin de là. Il y a leur beauté solitaire, leur fuite éternelle, leur contretemps ambigus. Après la nuélithe de Serrecourt, Santo décide de clore la collection et lexpose à Londres. Die Sterry est là, évidemment. Elle vient de publier une étude sur les nuélithes. Une somme, avec une interprétation très personnelle : les cailloux seraient des bribes de conversation. Elle parvient à le convaincre de poursuivre ses recherches. Et effectivement ils vont découvrir dautres pierres, mais qui resteront hors collection, passées soigneusement sous silence, voire même réensevelies. Comme celles de Ré ou de Cordon réapparues récemment. Mais tout cela confirme la théorie de Sterry : chaque nuélithe a son équivalent, sa réponse en quelque sorte, elles marchent en duo. Sauf pour une, la première, la nuélithe japonaise, celle du grand-père, celle dAnsenat. Ce sera la dernière recherche de Santo, la plus déroutante aussi, puisquil sy trouve impliqué. Chez les Rinaldi on savait que Lucio était allé au Japon. Il en avait ramené quelques clichés, des photos de paysages, mais tout manquait de précisions, comme volontairement voilé. Santo retrouve quand même lendroit, larchipel dans larchipel, notre petite île, chez nous. Chez nous, où plus dun siècle auparavant étaient passés deux Français, des photographes. Lun deux faisait même ses photos en couleurs. Si, si. Gabriel Veyre. Dailleurs je pense que cest par lui et ses archives que Santo est remonté jusquà nous. On le voit sur des tirages dans un album de notre famille. Cest lui qui aurait pris cette photo de ma grand-mère. Cest lautre qui lui aurait donné cette fameuse pierre. Là, cest moi. Nao Kimura / Osaka 2008 |
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